DEEP PURPLE: Infinite (2017)
L’écoute du dernier opus de Deep Purple procure un ensemble d’émotions mitigées, un sentiment relativement indéfinissable mêlant curiosité et indifférence. Pourtant, ce n’est pas un mauvais album.
Dès le début, « Time for Bedlam » frappe en plein dans l’esprit Purple avec un rythme de cheval au galop, l’orgue endiablé de Don Airey et une envolée de guitare inspirée de la part de Steve Morse.
« Johnny’s band » marque le retour au rock avec un refrain mélodique et d’excellents solos d’orgue et de six-cordes.
Comme son titre l’indique, « The surprising » génère la surprise. Après une intro mystérieuse, le morceau évolue en pop song avec un superbe break de piano sur fond de nappes de claviers.
Et puis la reprise de « Roadhouse blues » des Doors revient aux racines avec une rythmique solide, un harmonica et un piano. Très bien !
Cependant, ce n’est pas un très bon album non plus.
Beaucoup de titres semblent manquer d’inspiration et font office de remplissage tout en s’étirant sur un tempo médium assez ennuyeux. Il faut bien reconnaître que « Hip boots », « All I got is you » (à part sa belle intro de guitare en « violoning » sur fond d’orgue), « One night in Vegas », « Get me outta there », « On top of the world » et « Birds of Prey » ne possèdent pas vraiment de quoi soulever un enthousiasme débordant.
Bien sûr, les musiciens restent au sommet de leur art et le groupe a eu l’intelligence de composer des morceaux ne nécessitant pas une poussée de la voix de Ian Gillan dans les aigus (chose semblant maintenant impossible pour le chanteur). Don Airey et Steve Morse débordent de talent et de technique. Ian Paice frappe toujours aussi fort et entretient une parfaite complicité avec la basse de Roger Glover.
Et pourtant, malgré tout cela, quelque chose ne colle pas !
Que personne ne hurle au scandale, je m’explique. Mais avant, je tiens à signaler que les propos choquants qui vont suivre n’engagent que moi.
Attention, âmes sensibles s’abstenir !
Franchement, depuis vingt cinq ans, que pouvait-on attendre d’un Deep Purple amputé successivement de Richie Blackmore puis de Jon Lord ?
Que les survivants de ce groupe mythique souhaitent continuer leur aventure musicale, cela se comprend aisément et, de toute façon, ça les regarde. Après tout, ils ne sont pas les seuls.
Non, je pense que les responsables sont ailleurs. La presse spécialisée, le public, les fans, les spectateurs ne font pas leur boulot en manquant singulièrement de sens critique. Que l’on soit content de voir ses idoles de jeunesse poursuivre leur carrière, que l’on soit heureux de les admirer en concert après toutes ces années, il n’y a rien de plus compréhensible. Par contre, il faut faire preuve de lucidité et reconnaître honnêtement que la grande époque est révolue. La lucidité évite la déception.
Ne sont déçus que ceux qui croient aux miracles et pensent que leur groupe favori va renaître de ses cendres. Pure illusion !
Désolé, sans son guitariste et son organiste originels, Deep Purple n’est pas Deep Purple. Malgré tout son talent, Don Airey n’arrive pas à remplacer totalement Jon Lord. Quant à Steve Morse, guitariste surdoué, il a beau freiner du mieux qu’il peut son jeu si caractéristique, son style fait toujours collage sur la musique de Purple et il ne peut faire oublier Richie Blackmore.
Bon, ça passe très bien en concert et tout le monde est ravi de voir sur scène ce qui reste d’un groupe légendaire. Mais sur les albums, ce n’est pas ça. L’ancienne alchimie du Purple n’existe plus.
Ou on accepte cet état de fait (et on se contente tranquillement de productions discographiques moyennes) ou on tire un trait définitif (en n’écoutant plus que les anciens disques). Il y a aussi une troisième solution, celle de crier au génie sans discernement à chaque nouvelle œuvre du Pourpre Profond. Mais là, on frôle l’aveuglement.
Maintenant, il paraîtrait que cet album serait le dernier. Personnellement, je ne le crois pas. D’abord, les anciens membres de Deep Purple sont des musiciens dans l’âme et on peut raisonnablement penser qu’ils continueront d’assouvir leur passion au cours des prochaines années. Ensuite, ils peuvent compter sur Steve Morse et Don Airey pour les soutenir jusqu’au bout. Ces deux artistes talentueux ont toujours vécu de leur musique et ont joué avec de grandes vedettes mais il faut bien avouer que, pour eux, Deep Purple est le plan épargne-retraite rêvé.
Bon, assez critiqué !
En guise de conclusion, on peut affirmer qu’ « Infinite » n’a pas fini de faire parler dans les chaumières. Curiosité, enthousiasme ou déception ?
Entre les amateurs lucides, les fans aveugles et les nostalgiques irréductibles, il faudra choisir son camp.
Pour moi, c’est déjà fait !
Child in time forever !
Olivier Aubry